Faire des Jeux de Paris les premiers jeux bas carbone des temps modernes. Un objectif ambitieux atteint grâce à la mobilisation exemplaire de la « filière bois » et la création de France Bois 2024. Retour sur une aventure unique avec Georges-Henri Florentin, Ingénieur général (H) des ponts des eaux et des forêts, Secrétaire de la Section Forêt filière Bois de L’Académie d’Agriculture de France, Président de France Bois 2024.

Quel était le plan d’action de France Bois 2024 ?

Georges-Henri Florentin: Pour faire des Jeux un démonstrateur des capacités et des atouts de la filière bois ainsi qu’un laboratoire de la massification de la construction bois plébiscitée par nos concitoyens (enquête CSA printemps 2021) nous avons retenu 6 grands axes d’action, dans un contexte très contraint en termes de délais, de coûts, de concurrence :

1 – Mobiliser nos professionnels en les réunissant avec les outils appropriés, en les informant des enjeux, des délais et des canaux permettant être présents dans les consultations qui s’engagent.

2 – Accompagner les décideurs : la Société de Livraison des Ouvrages Olympiques (SOLIDEO). C’est aussi le cas pour le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) : Paris 2024. Nous les assistions dans l’élaboration de leurs projets ainsi que par le partage régulier d’informations tout au long de la période de préparation et de réalisation des jeux.

3 – Appuyer gratuitement et collectivement les entreprises qui se lancent dans cette aventure dans le respect des objectifs de la mission. C’est le cas de nos échanges avec GL Events dont nous saluons l’écoute et le choix du matériau de structure du Grand Palais Ephémère, après lui avoir apporté les éléments de choix entre le bois et l’acier notamment.

4 – Réaliser les documents techniques permettant le succès des permis de construire (document risque incendie préparé par ADIVBOIS et diffusé sous le timbre France Bois 2024) puis des études et des chantiers (documents France Bois Traçabilité ; guides de conception en vue des avis techniques nécessaires : supports bois de façades, douches sans ressaut sur support bois, …). Assurer les formations nécessaires pour les conducteurs de travaux puis les entreprises non-bois.

5 – Promouvoir les résultats et en tirer les retours d’expérience.

6 – Communiquer tous les documents produits et en assurer l’héritage.

Quels étaient les exigences de la SOLIDEO ?

Georges-Henri Florentin : Voulant réaliser les jeux les moins « carbonés » des temps modernes, la SOLIDEO et Paris 2024 ont exigé, à la suite de nos recommandations, que 100% du bois utilisé pour les Jeux provienne de forêts gérées durablement et comprennent 30% de bois français. La filière bois, de son côté, s’est fixé un objectif de 50%. Les outils mis en œuvre pour garantir la conformité à ces exigences sont la certification volontaire, les labels et la traçabilité.

Le travail de France Bois 2024 va au-delà des JO avec notamment la mise en place d’un outil « France Bois Traçabilité ». Pour quoi faire ?

Georges-Henri Florentin : En accompagnement de la démarche ambitieuse de la filière bois-construction et pour la renforcer, France Bois 2024 a créé France Bois Traçabilité qui réunit les labels PEFC, FSC® et BOIS DE FRANCE sous audits communs de l’institut technologique FCBA. C’est le premier outil garantissant la provenance de bois de forêts françaises gérées durablement et transformés en France.

Plusieurs constructeurs bois ont ainsi décidé d’augmenter leur part de bois français ; Mathis, par exemple, mais aussi des majors du bâtiment. Ainsi, Bouygues Bâtiment France Europe s’est engagé, dès 2021, à inclure 30% de bois français dans ses projets, avec l’objectif de porter cette part de 50% dès 2025. Et Bouygues Île-de-France se fixe des objectifs de construction bois en nette augmentation (30% à échéance de 2030, après être déjà passé de 3% de construction bois dans la totalité de ses projets à 15% à fin 2022).

En héritage, France Bois 2024 lègue l’outil « France Bois Traçabilité » à la filière forêt-bois afin de soutenir ses ambitions environnementales et industrielles. Ce dispositif lui permettra aussi de se conformer avec le moins de difficultés possibles au Règlement sur le Bois et au Règlement Déforestation de l’Union européenne (RBUE et RDUE). Obligations qui vont entrer en application dès le 30 décembre 2024 dans un premier temps pour l’export et pour les PME à partir du 30 juin 2025, en principe.

À moins de trois mois de l’ouverture des JO, quels sont les enseignements que vous pouvez d’ores et déjà esquisser ?

Georges-Henri Florentin : L’opération aura permis de lever un certain nombre de freins à la construction bois. La participation au comité scientifique du partenaire SOLIDEO a évité que les consultations retiennent des procédés constructifs ou prescriptions irréalistes ou en impasses économiques. C’est aussi le cas pour les permis de construire du village olympique en Seine-Saint-Denis, par la publication sous le timbre France Bois 2024 en mars 2020 des notes pour la sécurité incendie des Bâtiments en bois multi-niveaux qui a permis que les structures puissent être en bois jusqu’à 28 mètres. En faisant réaliser des études techniques et diagnostics des réponses aux appels d’offre ont été fiabilisées (passerelle de Dugny avec FCBA, été 2020).

Quels sont les principaux motifs de satisfaction pour la filière bois ?

Georges-Henri Florentin : Ces actions auront permis d’augmenter la part de bois dans les bâtiments et équipements des JOP (environ 28% contre de l’ordre de 8% environ dans la construction en 2018).

En matière de résultats sur la traçabilité de la provenance des bois, même si les données n’ont pas toutes la même fiabilité, les résultats sont éloquents :

  • sur le village olympique, 65% des bois mis en œuvre sont d’origine française (75% pour les structures) ;
  • trente mille tonnes d’équivalents carbone sont stockés pour au moins 50 ans ;
  • 100% des bâtiments de logements de moins de 28 mètres du VOP sont en structure bois ;
  • 200 millions d’€ de chiffre d’affaires pour la filière, soit le travail sur un an de 1200 salariés de la filière…

Qui aurait imaginé ce résultat au lancement de l’action ?

« Une catène du Centre Aquatique Olympique, comme un livre, c’est un arbre qui va dire à la forêt qu’il y a encore une vie après la mort. »

 

 

 

 

 

Un projet en 6 étapes-clés

  1. Septembre 2017 : la France a gagné l’organisation des Jeux de Paris. Le dossier en a été accepté dans l’objectif d’en faire les premiers jeux bas carbone des temps modernes.
  2. Printemps 2018 : le bureau du Comité Stratégique de la Filière Bois et le Conseil d’Administration de France Bois Forêt suivent Georges-Henri Florentin sur l’opportunité médiatique de valoriser la construction bois au travers de cet événement.
  3. Les présidents de filière adhèrent à l’idée et la transforment en l’un des deux projets structurants du Contrat Stratégique de filière 2019 – 2022.
  4. L’objectif est de réaliser « des bâtiments et équipements bois exemplaires, utilisant 50% de bois français». Dès l’été 2018, France Bois 2024 est créée. La structure est légère. Le financement uniquement collectif est assuré paritairement par France Bois Forêt et par le CODIFAB.
  5. Conscients que la « construction bois » repose sur le principe de la mixité des matériaux, France Bois 2024 retient comme devise les valeurs olympiques : « Excellence, amitié, respect».
  6. France Bois 2024 active, en tant que de besoin, les compétences techniques économiques et juridiques nécessaires. Tous les résultats sont rendus accessibles en libre-service sur le site : francebois2024.com . Ils reviendront à la filière à l’issue des jeux.

 

 Le livre héritage : « 2024, le bois sur le podium pour décarboner la construction »

Outre la remise des documents, d’une base de données de photos et de cinq films, un livre héritage de 130 pages illustré des principales photos des ouvrages a été réalisé grâce à 39 auteurs ayant personnellement participé à cette aventure humaine. S’y côtoient le Délégué Interministériel aux Jeux Olympiques et le ministre de l’Agriculture, un certain nombre de scieurs, de lamellistes, de fabricants de CLT (Cross Laminated Timber), d’architectes, de constructeurs et de compagnons charpentiers.